Nous quittons les terrains déchirés du centre de la Cappadoce pour poursuivre encore un peu vers l’Est jusqu’à Kayseri, située au centre de la Turquie, où nous vivrons une rencontre exceptionnelle de plus.
De là, notre regard change de cap. Il nous faut désormais regarder vers l’occident pour doucement retrouver la France.
Nous décidons de prendre un bus jusqu’à Denizli car le chemin est encore long jusqu’à la maison et il ne faudrait pas manquer la rentrée ! Largués à 4h30 du matin au bord de la route après une partie de la nuit passée dans le bus, nous continuons à dormir sur des bancs publics, entourés de nos vélos. Les filles n’ont pas de problèmes pour fermer les yeux mais leur mamie, bien plus inquiète qu’elles, est à l’affut du moindre bruit. Le chant du muezzin, les coqs, les chiens, les passants, pour elle, tout est prétexte à rester éveillée. C’est bien, mamie est devenue notre chien de garde ! Tous les matins, elle nous fait le compte-rendu de la nuit : « Vous avez entendu à 4H30 ce matin, toutes les cigales se sont mises à chanter en même temps ? Et vous avez vu le mec passer avec une lampe de poche autour de notre tente, il devait être minuit ? Et vous avez entendu la voiture au milieu de la nuit où le chauffeur a éteint phares et moteur juste à côté de nous ?….etc, etc ». L’aventure ne se vit pas que le jour, la nuit, il s’en passe des choses !!!
Ainsi, encore étourdis par une nuit hachurée, nous montons sur nos selles direction Pamukkale. La chaleur harassante donne vite envie aux filles de plonger dans les bassins d’eau chargés en sels minéraux. Cependant, ces eaux thermales ne sont guère rafraichissantes.
Pour parer aux chaleurs de la mi-journée, nous pédalons de plus en plus tôt le matin mais aussi en fin d’après-midi. A ce moment, le goudron surchauffé, le vent et le soleil qui nous font désormais face, nous assèchent. Nous buvons 7 litres d’eau par jour et par personne. Les filles toujours en activité lorsque nous sommes à l’arrêt, profitent du temps dans la charette pour se reposer et s’endorment très souvent. Aérées par le vent qui traverse la remorque, elles ne rougissent même pas, malgré les 45°c souvent atteints.
Heureusement, nous trouvons toujours au bord de la route des étals qui présentent des fruits ou légumes juteux tout juste récoltés dans le potager ou le verger d’à côté. Dans cette vallée qui s’étire à l’ouest de Denizli , nous trouvons principalement des productions de pastèques, melons, pêches et figues, mais aussi des tomates, concombres, courgettes, poivrons et aubergines.
Erkan, un agriculteur consciencieux, nous explique que l’eau puisée dans la nappe phréatique est consommée à outrance pour l’irrigation de ces terres mais que les pires consommateurs d’eau, sont les champs de coton. Il s’insurge aussi de l’état de la rivière qui est polluée par les rejets des teintures des industries textiles environnantes. « Il y a vingt ans, on pêchait des poissons à volonté ici, aujourd’hui, il n’y en a plus un seul ! » Rechigne-t-il. Il semble vouloir faire bouger les choses au sein du conseil municipal dont il fait partie mais la puissance du marketing est un véritable rouleau compresseur. Au bord de la route, s’arrêtent des bus bondés de touristes qui viennent dévaliser les magasins de textiles vendus à bas prix. « L’argent, c’est tout ce qui compte… » Soupire encore Erkan. Nous repartons chargés de deux casquettes du conseil municipal de Denizli et de deux pastèques en plus. « Celles-ci sont bio ! » Nous affirme-t-il.
Ca y est, à Selçuk, nous retrouvons la mer, que nous avions quittée depuis Antalya. Le temps de visiter la magnifique cité romaine d’Ephèse et nous enfourchons à nouveau nos vélos pour poursuivre notre route vers l’extrême ouest de la Turquie, jusqu’au bout de la péninsule de Cesme. C’est ici que nos roues s’arrêtent de tourner. Nous sommes au bout. Au bout de tout. Au bout de la péninsule, au bout de notre voyage à vélo, au bout de nos efforts, au bout de nos 6 mois d’itinérance. Nos affaires arrivent au bout également. Nos habits, déteints et tachés, ont besoin d’être renouvelés. Nous apprécierons d’évacuer nos matelas gonflables, percés depuis 3 mois, pour retrouver un couchage plus moelleux. Romane et Noémie sont toujours heureuses de faire des pâtés dans le sable et de se rafraichir dans une mer Egée refroidie par les vents. Mais, elles apprécieront sûrement de retrouver leurs jeux, la famille, leur maison. Arnaud serrerait bien dans les mains un wishbone, une raquette ou une corde à la place du guidon !
Mais, le voyage n’est pas fini. Alors que nous avons mis 6 mois pour passer d’un bout à l’autre de la méditerranée, que nous avons pédalé durant 5350 km à un rythme moyen de 15 km/h et de 44 km par jour, une lente expédition pour retourner vers la France va encore commencer. Bateau, train, bus, tous les moyens seront bons pour revenir lentement vers notre terre natale.
Alors les prochaines nouvelles quand nous serons sur le plancher des vaches !